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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/243

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vives ou qu’elles sont douces, c’est ne rien dire ; les termes, fort usités, de délices et de transports, sont vagues. Il paraît donc qu’au physique le plaisir est plus indistinct que la douleur. Pour cette raison sans doute, je désespère de rendre très sensible, par le seul moyen du discours, le plaisir que procurent les chevaux de bois. Il est certain, toutefois, que ce plaisir est grand. De leur cercle mouvant jaillissent des cris de volupté qui percent le bruit de l’orgue et des trombones. Et après quelques tours de la machine ce ne sont que regards noyés, lèvres humides, têtes pâmées. Les jeunes femmes y prennent l’expression que la statuaire antique donne aux Bacchantes. Et moins habiles à la volupté, les petits enfants, roides et la joue empourprée, restent graves, en proie à un dieu inconnu. Je ne parle point de ceux qui ont mal au cœur. Il s’en trouve. Mais c’est un cas particulier. Je m’en tiens au général. Grands et petits, ce qu’ils éprouvent est vaguement délicieux.

Sur le cheval de bois, sur la montagne russe, sur l’escarpolette, ils sont remués, secoués, agités, tout leur être résonne, la circulation est activée ; ils se sentent mieux vivre. Ils jouissent