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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/256

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Le Tréport, 23 août.

Nous sommes émerveillés de la beauté du spectacle. Nous avons devant nous Mers et sa blanche falaise ; à notre droite, des prairies aux pentes desquelles paissent les bœufs et les moutons ; à gauche, la mer, où glissent des barques dont les voiles sont nouées en festons. À nos pieds, la jetée. Elle est couverte de la foule diversement colorée des baigneurs et des baigneuses. Les bérets rouges, blancs ou bleus, les robes claires, les chapeaux de paille brillent au soleil. Tout cela a des papillotements joyeux. Soudain, une exclamation bruyante s’élève, les chapeaux volent en l’air. C’est un torpilleur qui quitte le port, franchit l’écluse et gagne le large pour aller à Boulogne. Il en passe trois, et c’est trois fois le même enthousiasme. Trois fois on crie, on salue ; trois fois, les chapeaux, les mouchoirs, les ombrelles s’agitent.

Les torpilleurs sont populaires. Ils sont aimés sans doute parce qu’ils ont l’air terrible, et qu’ils flattent cette douce espérance de carnage qui sourit mollement au fond du cœur