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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/259

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chèvrefeuille qui suspend aux buissons ses guirlandes parfumées.

Hier, j’ai trouvé au milieu de ce sentier un petit hérisson immobile et tout en boule. Il était blessé. Je le pris dans ma poche et le portai à la maison, où une goutte de lait le ranima. Il montra son groin noir, qui a l’air d’être taillé dans une truffe. Il ouvrit les yeux, et j’eus la faiblesse de me croire le bon Samaritain. Ce matin, mon ami courait dans le jardin, flairant la terre humide, et toutes les piques de son dos reluisaient. La rencontre d’un hérisson ; moins encore, un brin de serpolet à l’orée d’un bois, une vieille épitaphe dans un cimetière de village, suffit à l’amusement de la journée d’un solitaire.

Nous avons ici un camp de César et une petite montagne qu’un jour Gargantua laissa tomber de sa hotte. Mais ce qu’il y a de plus admirable, c’est un fau (fagus) très grand et parfaitement rond, qui donne des faînes d’un goût délicieux, si j’en crois les paysans. Le hêtre de Domremy que hantaient les fées et où les filles du village suspendaient des guirlandes et des chapeaux de fleurs, n’était ni plus beau ni plus vénérable. Je regrette le temps où l’on rendait un culte aux arbres et