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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/28

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me semblaient un grand trésor. J’étais étonné surtout de la quantité de verres bleutés que contenaient les petites vitrines de M. Hamoche et, aujourd’hui encore, je crois que M. Hamoche s’exagérait l’importance des lunettes bleues dans l’optique usuelle.

Au reste, incolores ou bleus, ses verres dormaient paisiblement dans leurs boîtes ; personne ne les regardait, non plus que ses médailles et ses minéraux, et la rouille dévorait les montures d’acier des besicles.

« Eh bien ! ça va-t-il mieux, les affaires ? » demandait Mme Mathias.

M. Hamoche, les bras croisés, morne, le regard à l’horizon, ne répondait pas.

C’était un petit homme tout à fait chauve, avec un crâne énorme, des yeux sombres et enflammés, des joues pâles et une longue barbe d’un noir bleu.

Son costume, comme son air, était étrange. Il portait une longue redingote de drap vert olive qui était devenue jaune sur les épaules et sur le dos, et dont les pans lui tombaient aux pieds. Et il était coiffé du plus haut chapeau de haute forme qu’on ait jamais vu, tout cassé, tout luisant, prodigieux monument de misère