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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/283

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clair de lune et forcent le voyageur à entrer dans leur ronde, habitent ce palais farouche. Tous les paysans bretons savent que les dolmens sont les maisons des nains. Ils savent aussi que les menhirs de Carnac sont des géants païens changés en pierre par saint Cornély.

À notre gauche, la chapelle de Saint-Collédoc lève son clocher de pierre ajourée. Saint Collédoc vécut au temps du roi Arthur. Son nom, sans doute, n’a pas échappé au chanoine Trévoux, qui occupa son innocente vie à cataloguer les saints de Bretagne.

J’ai connu dans mon enfance ce chanoine Trévoux, et il y a quelque chance qu’aujourd’hui je reste seul au monde à l’avoir connu. Son image subsiste encore en moi avant de s’abîmer à jamais dans le néant. Le souvenir de ce vieux prêtre m’est revenu assez étrangement sur cette route désolée d’Audierne. Ce n’est point de ma faute. Il y a des gens qui sont maîtres de leurs impressions et de leurs souvenirs. Je les admire et je les envie. Mais je ne puis les imiter. À tout moment, des hôtes, que je n’avais point priés et que je ne saurais congédier, viennent s’asseoir, ou souriants ou moroses, à la table de ma pensée. Et voici que le