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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/286

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contemplation et parfois, entrant en extase, pénétrait profondément dans la connaissance des choses tant visibles qu’invisibles. Aussi n’est-il pas surprenant qu’il reçût, par une voie mystérieuse, des nouvelles de ce monde dont il vivait séparé. Il est certain qu’il apprit avant tous les habitants d’Audierne et de Plogoff la sanglante bataille de Camlan, et la mort d’Arthur que son épée enchantée n’avait pu défendre des coups d’un chevalier félon. Saint Collidor apprit par une voie non moins mystérieuse que Lancelot du Lac aimait l’épouse d’Arthur, la belle reine Genièvre. Et (ce que Collédoc n’ignorait pas non plus) Lancelot était la fleur des chevaliers. Nourri sur les genoux d’une fée, il en gardait un charme. Et parce qu’il était aimable, Genièvre l’aimait.

Mais saint Collédoc, qui avait beaucoup médité dans la solitude, savait ce qu’ignorent les gens qui vivent dans le siècle. Il savait que l’amour humain est périssable et que ceux qui mettent leur espérance dans la créature sont bientôt déçus. Par ces raisons, et considérant que Genièvre et Lancelot offenseraient Dieu d’une manière effroyable s’ils en venaient à la satisfaction de leur désir, il résolut d’empêcher,