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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/289

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Mais nous approchons du bout de la terre. Nous avons passé la région des genêts et des ajoncs et nous sentons le vent d’ouest raser les champs stériles. Voici Lescoff, son clocher et ses menhirs. Encore quelques pas, et nous touchons à la pointe du Raz. Déjà nous découvrons à notre droite une plage pâle, que creuse une mer blanche d’écueils. C’est la baie des Trépassés.

Ici, sur le promontoire qui s’avance entre deux côtes semées d’écueils, finit la terre. Au bout de l’étroit sentier dans lequel nous nous engageons, la mer déferle, et déjà l’embrun nous enveloppe. Devant nous, l’Océan, où le soleil se couche dans un lit de flammes, étend au loin la nappe magnifique de ses eaux, que déchirent çà et là les rochers noirs, fleuris d’écume, et sur laquelle l’île de Sein, sombre et basse, dort au ras des lames.

C’est l’île sainte des Sept-Sommeils où l’on dit que vivaient les vierges prophétiques. Mais ces créatures extraordinaires ont-elles jamais existé ailleurs que dans l’imagination des hommes de mer ? Les matelots n’ont-ils pas pris, de loin, pour les robes blanches des prêtresses les mouettes posées au soleil sur les rochers ?