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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/292

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vient à grands coups d’ailes. Les dernières gouttes de flamme tombées dans la mer s’éteignent. Une grande lueur orangée marque seule l’endroit où le soleil s’est couché. C’est à peine si nous voyons encore les murs de granit qui, debout ou ruinés, ferment la baie des Trépassés. On entend distinctement, dans le silence du soir, le bruit sourd des lames que traverse le cri mélancolique du cormoran.

Cette heure est d’une tristesse mortelle, et tout ici, le rocher, la lande et la mer, et le sable livide de la baie, tout nous dit la désolation de vivre. Seul, le ciel, où s’allument les premières étoiles, a sur nos têtes une douceur charmante. Ce ciel de Bretagne est léger et profond. Souvent voilé par les bancs de brume qui viennent et qui passent en un moment, presque toujours couvert de nuées épaisses qui ressemblent à des montagnes et qui lui donnent l’air d’une terre d’en haut, il laisse voir, par de soudaines échappées, un bleu qui attire comme l’abîme. Je sens en ce moment pourquoi les Bretons aiment la mort. Ils l’aiment, et l’âme celtique est souvent tentée par elle. Ils la craignent aussi, car elle est en horreur à tous les êtres.

La mort plane sur ces parages, c’est elle qui,