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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/294

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lugubre le rendez-vous des morts pieux qui voulaient dormir dans l’île des Sept-Sommeils.


Autrefois, un esprit venait, d’une voix forte
Appeler, chaque nuit, un pêcheur sur sa porte.
Arrivé dans la baie, on trouvait un bateau
Si lourd et si chargé de morts qu’il faisait eau.
Et pourtant il fallait, malgré vent et marée,
Le mener jusqu’à Sein, jusqu’à l’île sacrée…


Ici l’on conte encore que, sur ce rivage, les âmes en peine se promènent en pleurant, tandis que les ossements des naufragés frappent aux portes des pêcheurs pour demander la sépulture. Et c’est une vive croyance chez les paysans que, pendant la nuit du deux novembre, au jour fixé par l’Église pour la commémoration des fidèles défunts, les âmes des naufragés s’amassent en nuées épaisses sur le rivage de la baie, d’où s’élève une clameur lamentable. Alors les morts, dit-on, reviennent sur la terre, « plus nombreux que les feuilles qui tombent des arbres, plus serrés que les brins de l’herbe qui pousse dans les champs. »

Tandis que nous marchions le long des rochers mornes, le vent s’étant élevé, un grain nous couvrit d’ombre et de pluie. Nous