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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/321

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volet de Landerneau, toutes ces coiffures portées depuis tant de siècles chargent ces têtes nouvelles de toute la mélancolie du passé. Sur ces visages flétris en quelques années, et courbés sur cette dure terre qui les recouvrira bientôt, la coiffe des aïeules garde sa forme immuable. Passant des mères aux filles, elle enseigne que les générations succèdent aux générations et qu’en la race seule est la suite et la durée. Ainsi le pli d’un morceau de toile nous donne l’idée d’un temps beaucoup plus long que celui de l’existence humaine.

Vêtues de noir, les joues, le cou voilés, les femmes du Morbihan ont l’air de religieuses. Leur plus grande beauté est dans leur douceur. Assises sur leurs talons, dans l’attitude qui leur est habituelle, elles ont une grâce paisible et lourde assez touchante. Coiffées et vêtues comme elles, leurs fillettes sont charmantes, sans doute parce que l’austérité du costume rend plus sensible la fraîcheur riante de l’enfance. Il n’y a rien de joli comme ces petites béguines de sept ou huit ans. Entre elles, volontiers, elles s’amusent à lutter sur l’herbe. C’est l’instinct de la race qui les pousse ; car on sait qu’elles sont filles de vaillants lutteurs.