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Page:Anatole France - Pierre Nozière.djvu/64

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comprend qu’il est sacré. Droit, immobile, les yeux tout ronds, les lèvres serrées, les bras pendants, les mains ouvertes et les doigts écartés comme les rayons d’une roue, il goûte une joie pieuse à se sentir devenir une idole. Le ciel est sur sa tête, les bois et les champs sont à ses pieds. Il est au milieu du monde. Il est seul grand, il est seul beau.

Mais tout à coup Catherine éclate de rire. Elle s’écrie :

« Oh ! que tu es drôle, mon petit Jean ! que tu es drôle ! »

Elle se jette sur lui, elle l’embrasse, le secoue ; la lourde couronne lui glisse sur le nez. Et elle répète :

« Oh ! qu’il est drôle ! qu’il est drôle ! »

Et elle rit de plus belle.

Mais le petit Jean ne rit pas. Il est triste et surpris que ce soit fini et qu’il ne soit plus beau. Il lui en coûte de redevenir ordinaire.

Maintenant la couronne dénouée s’est répandue à terre et le petit Jean est redevenu semblable à l’un de nous. Il n’est plus beau. Mais c’est encore un solide gaillard. Il a ressaisi son fouet, et le voilà qui tire de l’ornière les six chevaux de ses rêves. Les petits enfants imagi-