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Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/101

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patenôtres, Artaxerxès cordier, Énée menuisier, Achille teigneux, Agamemnon lèche-pot, Ulysse faucheur, Nestor gueux, Ancus Martius calfat… Et la liste se déroule plus longue qu’un jour sans pain. Malheureusement, on ne peut, le plus souvent, saisir le moindre rapport entre le personnage et son état ; et lorsque, d’aventure, on saisit ce rapport, c’est bien pis, car alors on s’aperçoit que ce ne sont que jeux de mots saugrenus et chocs ridicules de syllabes. Notre François, qui pense à lui seul mieux et plus que son siècle tout entier, exerce pleinement quand il lui plaît ce don céleste de ne penser à rien. Cela lui arrive tout à coup comme une bénédiction. Il fait alors des chapelets de mots. Ô le benoît auteur ! Et cela est encore et cela est toujours très bien.

— Je vis, poursuit Épistémon, je vis Épictète, vêtu galamment à la française, sous un beau feuillage, avec force demoiselles, se rigolant, buvant, dansant, et auprès de lui force écus au soleil… Quand il me vit, il m’invita à boire avec lui, ce que je fis volontiers et nous chopinâmes théologalement. Je vis maître François Villon qui demanda à Xerxès combien la denrée de moutarde. Un denier, répondit Xerxès. Sur quoi Villon le traita de vilain et lui reprocha rudement de surfaire les vivres.

Le moyen âge a laissé plusieurs récits de voyages dans l’autre monde, sans parler de La Divine Comédie de Dante. Rabelais en a certai-