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Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/109

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foi et tout, alors, était matière de foi ou s’y rapportait. Pourtant, il ne faut pas croire que l’auteur du censuré Pantagruel fut en très grand danger d’être brûlé. Parmi les suspects, il était, au contraire, un des moins menacés. Comme Brutus dans la Rome de Tarquin, François Rabelais, dans ses livres, faisait le fou, et pouvait se permettre ainsi de dire ce qu’un homme réputé sensé n’aurait pas dit impunément. Son Gargantua et son Pantagruel passaient pour des bouffonneries détestables à la vérité, mais sans conséquence, et qu’on censurait seulement dans l’intérêt des convenances et des bonnes manières. Et puis, maître François était médecin de l’évêque de Paris. On se rappelle que le jeune moine de la Baumette avait fait connaissance avec deux personnages très grands et très puissants, les frères Guillaume et Jean du Bellay, d’une très illustre maison d’Anjou. Or, en 1534, Rabelais était au service de Jean du Bellay, évêque de Paris, que le roi envoyait cette année-là en ambassade à Rome.

Il est nécessaire de dire ici quelques mots de ce prélat dont la protection fut si précieuse à notre auteur. Jean du Bellay, tout jeune, avait étonné l’Université de Paris par l’étendue de ses connaissances sacrées et profanes. Rompu aux exercices de la dialectique et aux disputes publiques, il avait tenu tête aux théologiens les plus obstinés. C’était là à quoi s’employaient