Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/113

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juillet 1535, et cette fois encore François Rabelais l’accompagna. Le 18, ils étaient à Carmagnole, le 22 à Ferrare. Là, l’ambassadeur eut recours à l’art de son médecin ; il était souffrant et peu propre, disait-il, à courir la poste. À Florence où ils s’arrêtèrent, maître François, en bonne compagnie de gens studieux, contempla le beau site de la ville, la structure du dôme, la somptuosité des églises et des palais. Comme il luttait avec ses compagnons à qui louerait plus dignement ces magnificences, un moine d’Amiens, nommé Bernard Lardon, surpris et mécontent :

— Je ne sais que diantre, dit-il, vous trouvez ici tant à louer. J’ai aussi bien contemplé que vous et ne suis pas plus aveugle. Et puis, qu’est-ce ? Ce sont belles maisons, c’est tout ! Mais Dieu et monsieur saint Bernard, notre bon patron, soient avec nous ! en toute cette ville, je n’ai pas vu encore une seule rôtisserie et j’y ai curieusement regardé et considéré… En quatre fois, en seulement trois fois moins de chemin que nous n’avons fait ici en nos contemplations je vous pourrais montrer à Amiens plus de quatorze vieilles rôtisseries bien odorantes. Je ne sais quel plaisir vous avez pris à voir des lions et des tigres près du beffroi et les porcs-épics et les autruches du Palais Strozzi. Par ma foi, nos fieux, j’aimerais voir un bon et gros oison en broche. Ces porphyres, ces marbres sont beaux ? je n’en dis point de mal. Mais les darioles d’Amiens sont