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Page:Anatole France - Rabelais, Calmann-Lévy, 1928.djvu/99

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n’imitons pas les Athéniens qui commençaient par agir et délibéraient ensuite.

Pantagruel, redevenu en Utopie un géant tranche-montagne, y rencontre un adversaire à sa taille, le capitaine Loup-Garou, dont la massue pesait neuf mille sept cents quintaux et deux quarterons, et au bout de laquelle étaient treize pointes de diamant, dont la moindre était plus grosse que la plus grosse cloche de Notre-Dame de Paris. Avant de se mesurer avec Loup-Garou, le fils de Gargantua se recommande à Dieu, et lui promet, s’il se tire avec honneur de cette terrible aventure, de faire prêcher dans son royaume le saint évangile purement, simplement et entièrement et d’exterminer les abus semés par les papelars. Ordinairement, les géants sont païens : celui-ci est chrétien. Il se dit catholique, mais il est pour la Réforme, et il faudrait savoir ce qu’il appelle les papelars. Je crains que ce ne soit les bons catholiques soumis à l’autorité du pape. Loup-Garou et ses géants furent défaits et exterminés. Mais Pantagruel fit une perte cruelle : le fidèle Épistémon, dans la bataille, eut la tête coupée. Le mal, contrairement à toute apparence, n’était pas sans ressource. Panurge, qu’on ne connaissait point comme chirurgien, oignit la tête et le corps d’une certaine pommade, les ajusta l’un à l’autre, veine contre veine, nerf contre nerf, vertèbre contre vertèbre, fit quinze ou seize points d’aiguille et mit à l’entour un peu d’onguent