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Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/269

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j’ai sauté trois siècles et demi, je ne puis le savoir, puisqu’en rêvant on ignore qu’on rêve. Je crois, de très bonne foi, que je ne dors pas.

Tout en faisant ces réflexions et d’autres qu’il est inutile de rapporter, je suivais une longue rue bordée de grilles derrière lesquelles souriaient, dans le feuillage, des maisons roses, de formes variées, mais toutes également petites. Je voyais parfois s’élever dans la campagne de vastes cirques d’acier, couronnés de flammes et de fumée. Une épouvante planait sur ces régions innommables et l’air vibrant du vol rapide des machines retentissait douloureusement dans ma tête. La rue conduisait à une prairie semée de bouquets d’arbres et coupée de ruisseaux. Des vaches y paissaient. Tandis que mes yeux goûtaient cette fraîcheur, je crus voir devant moi, sur une route lisse et droite, courir des ombres. Leur vent, en passant, me frappa le visage.