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Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/285

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Ces gens me traitaient avec humanité, me parlaient avec obligeance. Mais je n’entrais pas facilement dans leurs mœurs ni dans leurs idées et je m’apercevais que je ne les intéressais en aucune manière et qu’ils éprouvaient pour mes façons de penser une entière indifférence. Plus je leur faisais de politesses, plus je décourageais leur sympathie. Quand j’eus adressé à Chéron quelques compliments pourtant discrets et sincères, elle ne me regarda même plus.

Après le repas, me tournant vers Morin, qui me semblait intelligent et doux, je lui dis avec une sincérité qui m’émut moi-même :

— Monsieur Morin, je ne sais rien et je souffre cruellement de ne rien savoir. Je vous le répète : je viens de loin, de très loin. Dites-moi, je vous prie, comment fut instituée la fédération européenne, et donnez-moi une idée de l’ordre social actuel.