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Page:Anatole France - Sur la pierre blanche.djvu/91

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ma doctrine embrasse des idées mal habituées à se rencontrer les unes avec les autres, ne me le reproche pas, ô cher Apollodore, et loue-moi plutôt de ce que j’admets quelques contradictions dans ma pensée. Si je n’étais pas conciliant avec mes propres idées, si j’accordais à un seul système une préférence exclusive, je ne saurais plus tolérer la liberté des opinions, et l’ayant détruite en moi, je ne la supporterais pas volontiers chez les autres, et je perdrais le respect qu’on doit à toute doctrine établie ou professée par un homme sincère. Aux dieux ne plaise que je voie mon sentiment prévaloir à l’exclusion de tout autre et exercer un empire absolu sur les intelligences. Faites-vous un tableau, très chers amis, de l’état des mœurs, si des hommes en assez grand nombre croyaient fermement posséder la vérité et si, par impossible, ils s’entendaient sur cette vérité. Une piété trop étroite, chez les Athéniens, pourtant pleins de sagesse et d’incertitude,