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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/113

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déens, de pharmacopoles et de sorciers, qui la trompaient toujours et ne la lassaient jamais. Elle craignait la mort et la voyait partout. Quand elle cédait à la volupté, il lui semblait tout à coup qu’un doigt glacé touchait son épaule nue et, toute pâle, elle criait d’épouvante dans les bras qui la pressaient.

Nicias lui disait :

— Que notre destinée soit de descendre en cheveux blancs et les joues creuses dans la nuit éternelle, ou que ce jour même, qui rit maintenant dans le vaste ciel, soit notre dernier jour, qu’importe, ô ma Thaïs ! Goûtons la vie. Nous aurons beaucoup vécu si nous avons beaucoup senti. Il n’est pas d’autre intelligence que celle des sens : aimer c’est comprendre. Ce que nous ignorons n’est pas. À quoi bon nous tourmenter pour un néant ?

Elle lui répondait avec colère :

— Je méprise ceux qui comme toi n’espèrent ni ne craignent rien. Je veux savoir ! Je veux savoir !

Pour connaître le secret de la vie, elle se mit à lire les livres des philosophes, mais elle ne les comprit pas. À mesure que les années