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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/117

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hommes ? Quelle est donc cette chose inconnue qui vaut mieux que la richesse et que la volupté ?

Elle se leva lentement, tourna vers la tombe du saint qui l’avait aimée ses yeux de violette où brillaient des larmes à la clarté des cierges ; puis, la tête baissée, humble, lente, la dernière, de ses lèvres où tant de désirs s’étaient suspendus, elle baisa la pierre de l’esclave.

Rentrée dans sa maison, elle y trouva Nicias qui, la chevelure parfumée et la tunique déliée, l’attendait en lisant un traité de morale. Il s’avança vers elle les bras ouverts.

— Méchante Thaïs, lui dit-il d’une voix riante, tandis que tu tardais à venir, sais-tu ce que je voyais dans ce manuscrit dicté par le plus grave des stoïciens ? Des préceptes vertueux et de fières maximes ? Non ! Sur l’austère papyrus, je voyais danser mille et mille petites Thaïs. Elles avaient chacune la hauteur d’un doigt, et pourtant leur grâce était infinie et toutes étaient l’unique Thaïs. Il y en avait qui traînaient des manteaux de pourpre et d’or ; d’autres, semblables à une nuée blanche, flottaient dans l’air sous des voiles diaphanes.