Page:Anatole France - Thaïs.djvu/182

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traire que ce qui passe aille à ce qui ne dure pas et que l’éclair dévore l’ombre glissante ?

— Nicias, tu me sembles un enfant qui joue aux osselets. Crois-moi : sois libre. C’est par là qu’on est homme.

— Comment peut-on être libre, Eucrite, quand on a un corps ?

— Tu le verras tout à l’heure, mon fils. Tout à l’heure tu diras : Eucrite était libre.

Le vieillard parlait adossé à une colonne de porphyre, le front éclairé par les premiers rayons de l’aube. Hermodore et Marcus, s’étant approchés, se tenaient devant lui à côté de Nicias, et tous quatre, indifférents aux rires et aux cris des buveurs, s’entretenaient des choses divines. Eucrite s’exprimait avec tant de sagesse que Marcus lui dit :

— Tu es digne de connaître le vrai Dieu.

Eucrite répondit :

— Le vrai Dieu est dans le cœur du sage.

Puis ils parlèrent de la mort.

— Je veux, dit Eucrite, qu’elle me trouve occupé à me corriger moi-même et attentif à tous mes devoirs. Devant elle, je lèverai au ciel mes mains pures et je dirai aux dieux :