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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/189

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reuse prisonnière, tu attendras dans les larmes que Jésus lui-même vienne, en signe de pardon, rompre le sceau que j’aurai mis. N’en doute pas, il viendra, Thaïs ; et quel tressaillement agitera la chair de ton âme quand tu sentiras des doigts de lumière se poser sur tes yeux pour en essuyer les pleurs !

Thaïs dit pour la seconde fois :

— Mène-moi, mon père, à la maison d’Albine.

Le cœur inondé de joie, Paphnuce promena ses regards autour de lui et goûta presque sans crainte le plaisir de contempler les choses créées ; ses yeux buvaient délicieusement la lumière de Dieu, et des souffles inconnus passaient sur son front. Tout à coup, reconnaissant, à l’un des angles de la place publique, la petite porte par laquelle on entrait dans la maison de Thaïs, et songeant que les beaux arbres dont il admirait les cimes ombrageaient les jardins de la courtisane, il vit en pensée les impuretés qui y avaient souillé l’air, aujourd’hui si léger et si pur, et son âme en fut soudain si désolée qu’une rosée amère jaillit de ses yeux.