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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/19

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église, il entendit le diacre qui lisait ce verset de l’Écriture : « Si tu veux être parfait, va et vends tout ce que tu as et donnes-en l’argent aux pauvres. » Aussitôt il vendit ses biens, en distribua le prix en aumônes et embrassa la vie monastique.

Depuis dix ans qu’il s’était retiré loin des hommes, il ne bouillait plus dans la chaudière des délices charnelles, mais il macérait profitablement dans les baumes de la pénitence.

Or, un jour que, rappelant, selon sa pieuse habitude, les heures qu’il avait vécues loin de Dieu, il examinait ses fautes une à une, pour en concevoir exactement la difformité, il lui souvint d’avoir vu jadis au théâtre d’Alexandrie une comédienne d’une grande beauté, nommée Thaïs. Cette femme se montrait dans les jeux et ne craignait pas de se livrer à des danses dont les mouvements, réglés avec trop d’habileté, rappelaient ceux des passions les plus horribles. Ou bien elle simulait quelqu’une de ces actions honteuses que les fables des païens prêtent à Vénus, à Léda ou à Pasiphaé. Elle embrasait ainsi tous les spectateurs du feu de la luxure ; et, quand de beaux jeunes