Aller au contenu

Page:Anatole France - Thaïs.djvu/207

La bibliothèque libre.
Le texte de cette page a été corrigé et est conforme au fac-similé.

tions s’élevèrent jusqu’aux nues. Les jeunes hommes se mirent eux-mêmes à jeter des pièces de monnaie, et l’on ne vit plus sur toute la place qu’une infinité de dos qui, sous une pluie d’airain, s’entre-choquaient comme les lames d’une mer démontée. Paphnuce était oublié.

Nicias courut à lui, le couvrit de son manteau et l’entraîna avec Thaïs dans des ruelles où ils ne furent pas poursuivis. Ils coururent quelque temps en silence, puis, se jugeant hors d’atteinte, ils ralentirent le pas et Nicias dit d’un ton de raillerie un peu triste :

— C’est donc fait ! Pluton ravit Proserpine, et Thaïs veut suivre loin de nous mon farouche ami.

— Il est vrai, Nicias, répondit Thaïs, je suis fatiguée de vivre avec des hommes comme toi, souriants, parfumés, bienveillants, égoïstes. Je suis lasse de tout ce que je connais, et je vais chercher l’inconnu. J’ai éprouvé que la joie n’était pas la joie et voici que cet homme m’enseigne qu’en la douleur est la véritable joie. Je le crois, car il possède la vérité.

— Et moi, âme amie, reprit Nicias, en sou-