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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/228

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dent de la solitude, en portent les profonds caractères et présentent une fixité puissante. Elle venait à lui sous diverses apparences ; tantôt pensive, le front ceint de sa dernière couronne périssable, vêtue comme au banquet d’Alexandrie, d’une robe couleur de mauve, semée de fleurs d’argent ; tantôt voluptueuse dans le nuage de ses voiles légers et baignée encore des ombres tièdes de la grotte des Nymphes ; tantôt pieuse et rayonnant, sous la bure, d’une joie céleste ; tantôt tragique, les yeux nageant dans l’horreur de la mort et montrant sa poitrine nue, parée du sang de son cœur ouvert. Ce qui l’inquiétait le plus dans ces visions, c’était que les couronnes, les tuniques, les voiles, qu’il avait brûlés de ses propres mains pussent ainsi revenir ; il lui devenait évident que ces choses avaient une âme impérissable et il s’écriait :

— Voici que les âmes innombrables des péchés de Thaïs viennent à moi !

Quand il détournait la tête, il sentait Thaïs derrière lui et il n’en éprouvait que plus d’inquiétude. Ses misères étaient cruelles. Mais comme son âme et son corps restaient purs au