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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/38

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tu la juges ridicule. Car les mêmes choses ont diverses apparences. Les pyramides de Memphis semblent, au lever de l’aurore, des cônes de lumière rose. Elles apparaissent, au coucher du soleil, sur le ciel embrasé comme de noirs triangles. Mais qui pénétrera leur intime substance ? Tu me reproches de nier les apparences, quand au contraire les apparences sont les seules réalités que je reconnaisse. Le soleil me semble lumineux, mais sa nature m’est inconnue. Je sens que le feu brûle, mais je ne sais ni comment ni pourquoi. Mon ami, tu m’entends bien mal. Au reste, il est indifférent d’être entendu d’une manière ou d’une autre.

— Encore une fois, pourquoi vis-tu de dattes et d’oignons dans le désert ? Pourquoi endures-tu de grands maux ? J’en supporte d’aussi grands et je pratique comme toi l’abstinence dans la solitude. Mais c’est afin de plaire à Dieu et de mériter la béatitude sempiternelle. Et c’est là une fin raisonnable, car il est sage de souffrir, en vue d’un grand bien. Il est insensé au contraire de s’exposer volontairement à d’inutiles fatigues et à de vaines souffrances. Si je ne croyais pas, — pardonne ce blasphème, ô