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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/57

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que tu vois soient un scandale pour tes yeux. Sache bien que je ferai un pieux emploi de cette tunique, de cette bourse et de ces sandales.

— Très cher, répondit Nicias, je ne soupçonne point le mal, car je crois les hommes également incapables de mal faire et de bien faire. Le bien et le mal n’existent que dans l’opinion. Le sage n’a, pour raisons d’agir, que la coutume et l’usage. Je me conforme aux préjugés qui règnent à Alexandrie. C’est pourquoi je passe pour un honnête homme. Va, ami, et réjouis-toi.

Mais Paphnuce songea qu’il convenait d’avertir son hôte de son dessein.

— Tu connais, lui dit-il, cette Thaïs qui joue dans les jeux du théâtre ?

— Elle est belle, répondit Nicias, et il fut un temps où elle m’était chère. J’ai vendu pour elle un moulin et deux champs de blé et j’ai composé à sa louange trois livres d’élégies fidèlement imitées de ces chants si doux dans lesquels Cornélius Gallus célébra Lycoris. Hélas ! Gallus chantait, en un siècle d’or, sous les regards des muses ausoniennes. Et moi, né dans des temps barbares, j’ai tracé avec un roseau