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Page:Anatole France - Thaïs.djvu/86

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poulets maigres et hérissés, tout en bec, en ongles et en plumes, qui voletaient mieux que des aiglons devant le couteau du cuisinier noir. Souvent, la nuit, sur la paille, au lieu de dormir, il construisait pour Thaïs des petits moulins à eau et des navires grands comme la main avec tous leurs agrès.

Accablé de mauvais traitements par ses maîtres, il avait une oreille déchirée et le corps labouré de cicatrices. Pourtant son visage gardait un air joyeux et paisible. Et personne auprès de lui ne songeait à se demander d’où il tirait la consolation de son âme et l’apaisement de son cœur. Il était aussi simple qu’un enfant.

En accomplissant sa tâche grossière, il chantait d’une voix grêle des cantiques qui faisaient passer dans l’âme de l’enfant des frissons et des rêves. Il murmurait sur un ton grave et joyeux :

— Dis-nous, Marie, qu’as-tu vu là d’où tu viens ?
— J’ai vu le suaire et les linges, et les anges assis sur le tombeau.
Et j’ai vu la gloire du Ressuscité.

Elle lui demandait :