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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/126

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russe avait pris soin d’y apporter avec lui ses titres de famille[1].

En résumé, dans les plaines du haut Volga et de l’Oka se sont unies des populations hétérogènes, éparses et sans consistance, et, de toutes ces parcelles de peuples, il s’est formé un tout compact, dont les divers éléments, associés avant d’être confondus, se laissent encore reconnaître ; de même, dans le granit, le quartz, le feldspath et le mica, mêlés sans être combinés, forment une des substances les plus dures qui soient au monde. Chez le peuple russe en effet, chez le Grand-Russien en particulier, divers éléments nationaux restent souvent discernables à l’œil : ils ne sont encore qu’agrégés ; la fusion physiologique, commencée depuis des siècles, n’est point encore achevée ; la fusion morale, politique, la seule qui importe à la constitution d’un peuple, l’a devancée. À certains égards, le type national est encore en élaboration et comme à l’état d’ébauche ; mais, s’il semble parfois moins formé que chez tel peuple occidental, la nationalité russe n’est pas dans le même cas : elle n’a rien à gagner à la disparition de traces d’origine que le peuple ne saisit point, et dont les causes lui sont inconnues ou indifférentes. Dans leur plus grande diversité de traits, les populations de la Russie n’offrent pas de ces oppositions violentes de types et de couleurs qu’un mélange séculaire est presque impuissant à effacer, et qui exposent tels États de l’Amérique à des luttes ou à des rivalités de races, capables de mettre en péril la liberté avec la sécurité. Pour l’unité ethnologique, de même que pour l’unité physique du sol et du climat, la Russie a l’avantage sur les États-Unis et, à plus forte raison, sur le Brésil.

En dépit des traces de croisement qu’accuse souvent son visage, le Grand-Russe reste en manifeste communauté avec

  1. Sur ce sujet, qui a donné lieu à de longues contestationS ; voyez, en dehors des écrivains russes : M. Ralston, Russian folk-tales et Songs of the Russian People ; M. A. Rambaud, la Russie épique, et M. A. de Gubernatis dans sa Mythologie zoologique.