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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/129

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traditions libérales ou démocratiques, reste l’idéal plus ou moins conscient, ou plus ou moins avoué, d’un grand nombre de Petits-Russiens. Une autre raison qui tient également à l’histoire de l’Ukraine, l’origine étrangère ou la dénationalisation d’une grande partie des hautes classes, ici polonaises et là grandes-russiennes, favorise également chez le peuple malo-russe les instincts démocratiques. Pour ce double motif, le Petit-Russien est peut-être moins fermé aux aspirations politiques, et par là même plus accessible aux séductions révolutionnaires que son frère de Grande-Russie[1].

Des Cosaques d’aujourd’hui, ceux de la mer Noire, transportés sur le Kouban, entre la mer d’Azof et le Caucase, sont seuls Petits-Russiens ; les Cosaques du Don et de l’Oural sont Grands-Russiens. Aux 17 ou 18 millions de Petits-Russes de la Russie il faut ajouter, au point de vue ethnologique, environ 3 millions d’âmes en Autriche, des deux côtés des Karpathes, dans la Galicie orientale, l’ancienne Russic-Rouge, dans la Bukovine et dans les comitats de la Hongrie septentrionale.

On a contesté aux Petits-Russiens comme aux Russiens-Blancs, c’est-à-dire à près d’un tiers du peuple russe, le nom et la qualité de Russes. Pour les séparer des Grands-Russiens, on leur a cherché des désignations nationales différentes. Tantôt, réservant le nom de Russe pour le Grand-Russien, on a donné aux autres le nom latin de Ruthène ou le nom hongrois de Roussniaque, qui ne sont qu’une transcription et un synonyme du nom qu’on leur voulait enlever. Tantôt au contraire, conservant le titre de Russe pour les Slaves de la Petite-Russie et de la Russie-Blanche, premiers centres de l’empire des descendants de Rurik, on l’a refusé à la Grande-Russie, à laquelle on a infligé le nom de Moscovie. Ces disputes de mots, suscitées

  1. C’est ce que semblent confirmer certains procès où, de 1879 à 1888, ont été impliqués plusieurs paysans de l’Ukraine.