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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/245

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chroniques nous ont conservé les clauses toutes pratiques[1].

Le premier droit russe, la Rousskaïa Pravda, montre encore l’empreinte germanique. Dans ce code, formulé par Iaroslaf plus d’un siècle et demi après Rurik, on a même cru reconnaître plus d’une coutume normande. Comme les peuples occidentaux, les Russes avaient alors le jugement de Dieu et le duel judiciaire ; comme eux, ils admettaient, pour les crimes et le meurtre, la composition pécuniaire, dont le nom même de vira rappelle le werhgeld allemand. Entre cette première Russie et les États européens fondés par des tribus germaniques, on peut citer de nombreuses analogies. La difficulté est de distinguer ce qui appartient aux Varègues et à l’influence scandinave de ce qui revient aux Slaves. En Russie plus encore qu’en Occident, on risque de faire honneur aux Germains de ce qui est le fait des barbares, d’attribuer à la race les effets de l’état de culture. Slaves ou Germaines, toutes ces tribus, parentes d’origine et de civilisation, avaient des ressemblances de mœurs et de caractère qui rendent malaisé de faire dans les institutions la part de chacune.

Avec moins de profondeur, l’empreinte germanique eut en Russie moins de durée qu’en Occident. L’absorption de la surface scandinave par le fond slave fut rapide et complète. Les princes varègues eurent beau pendant plus d’un siècle appeler souvent des recrues de Scandinavie, leur établissement en Russie est plutôt comparable à l’installation des Normands en Neustrie qu’à celle des Mérovingiens et des Carlovingiens en Gaule. Le petit fils de Rurik

  1. Les savants de l’Occident, et spécialement de la Scandinavie, ont défendu l’ancienne tradition, qui, selon l’expression d’un écrivain russe, demeure appuyée sur deux colonnes jusqu’ici inébranlables, à savoir, sur les noms des premiers princes russes et sur les noms des cataractes du Dniepr. (Voyez, par exemple, les savantes analyses du R. P. Martynof, dans la Revue des questions historiques, juillet 1815, et le Polybiblion, mai 1875.) W. Thomsen, professeur à Copenhague, a donné sur ce sujet trois conférences traduites en allemand, sous ce titre : Ursprung des Russischen Staates, 1879.