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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/301

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dernier règne, là le point culminant, d’où l’observateur en découvre le mieux l’ordre et la portée.

Réformes administratives ou judiciaires, réformes ecclésiastiques, financières ou militaires, tous ces changements, qui touchent à toutes les branches de la vie publique, tendent au fond, plus ou moins directement, plus ou moins consciemment à la même fin, à rabaissement des barrières de castes, à l’effacement des vieilles lignes de démarcation, à l’élargissement des anciens compartiments sociaux, en un mot à l’égale distribution entre toutes les parties de la nation des faveurs et des charges de l’État. Que le but fût ou non distinctement aperçu des promoteurs des réformes, qu’ils l’aient poursuivi avec une libre et claire volonté, ou qu’ils aient, à leur insu, cédé à un secret et involontaire entraînement, le terme final n’en apparaît pas moins après coup avec une parfaite netteté[1]. Quelque branche de l’administration que l’on étudie, sous quelque côté que nous prenions la Russie moderne, tribunaux, armée, impôts, institutions municipales ou provinciales, nous y retrouverons toujours la même tendance. Là, encore une fois, est le lien qui rejoint toutes les réformes récentes et qui, malgré de graves lacunes et de singulières inconséquences, leur donne ce qui fait les grandes œuvres, l’unité.

Certes il y a des incohérences, des restrictions, des contradictions, on peut signaler, depuis quelques années surtout, bien des incertitudes, des velléités de réaction, des tentatives de retour en arrière ; le fait n’en subsiste pas moins. Dans la Russie de Pierre le Grand et de ses successeurs, tous les droits, toutes les immunités administratives, judiciaires, militaires, étaient attribuées à chaque

  1. Il ne saurait y avoir aucun doute à cet égard sur les desseins et les tendances des principaux rédacteurs de la reforme fondamentale, l’acte d’émancipation. « Les réformes nouvelles ont renversé les cloisons qui gênaient la communion morale des différentes classes » ; écrivait, le 5 juin 1863, G. Samarine à la femme de son ami N. Milutine.