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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/31

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tique ; le Nord est plus froid, le Sud est plus chaud ; mais sans abri contre les vents du pôle, le Sud ne peut différer du Nord par les aspects et par la végétation d’une manière aussi tranchée qu’en France, en Espagne, en Italie. La Russie a des étés ; on pourrait dire qu’elle n’a point de midi.

Dans cette unité fondamentale, à travers cette homogénéité de configuration et de climat, se présentent cependant plusieurs régions marquées avec une singulière netteté par la nature elle-même. Ces régions, distinctes par un ensemble de caractères spéciaux et comme par une vocation physique, se peuvent ramener à deux grands groupes, à deux grandes zones embrassant toute la Russie d’Europe. Toutes deux également plates, avec un climat presque également extrême, ces deux zones, à travers leurs analogies, présentent le plus singulier contraste. Pour le sol, pour la végétation, pour l’humidité, pour la plupart des conditions physiques et économiques, leurs différences vont presque à une complète opposition. En laissant de côté les extrémités inhabitables du Nord, ces deux régions se partagent presque également l’empire, le coupant obliquement, de l’Ouest à l’Est, et toutes deux franchissant l’Oural pour se prolonger en Asie. L’une est la région des forêts et des tourbières, l’autre la zone déboisée, la zone des steppes.

De l’opposition de ces deux zones, de l’espèce de dualisme naturel du steppe et de la forêt, a procédé l’antagonisme historique, la lutte séculaire des deux moitiés de la Russie, le combat du Nord sédentaire et du Sud nomade, du Russe et du Tatar, puis de l’État moscovite, fondé dans les régions forestières du centre, avec les fils du steppe, les libres Cosaques.

La zone des forêts, bien que sans cesse rétrécie par le déboisement, reste encore la plus vaste. Occupant tout le Nord et le Centre de la Russie, elle va en s’amincissant de l’Ouest à l’Est, du gouvernement de Kief à celui de Kazan.