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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/329

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Catherine II, ici comme en toute chose » reprit et compléta l’œuvre de Pierre Ier. Elle voulut en même temps constituer une noblesse et une bourgeoisie, deux choses dont manquait presque également la Russie[1]. C’est par Catherine que les habitants des villes ont été divisés entre les différents groupes qui subsistent encore aujourd’hui. Marchands, petits bourgeois, ouvriers, reçurent de sa main une organisation corporative. Chacun de ces groupes divers eut ses chefs élus, et tous furent réunis en corporations municipales auxquelles fut restitué le droit de justice avec le droit d’administration intérieure.

Dans l’organisation de la classe urbaine, la princesse d’Anhalt et le vainqueur de Charles XII imitèrent naturellement les institutions contemporaines de l’Europe occidentale, en particulier les institutions des pays germaniques, de l’Allemagne et de l’Angleterre, de la Hollande et de la Suède. De là, en partie, les défauts et l’insuccès d’une œuvre, mal à propos copiée de l’étranger et imitée de modèles déjà en décadence. C’est quand ils étaient sur le point de disparaître des États les plus avancés de l’Occident, que les corps de métiers d’artisans et les guildes de marchands, que les maîtrises et jurandes furent introduits en Russie. Quels qu’en fussent les mérites et les inconvénients, cette organisation en corporations, à laquelle se prêtent volontiers les peuples germaniques, était aussi étrangère au génie qu’aux habitudes de la Russie. Le Russe, selon une juste remarque de Haxthausen, a l’esprit d’association, il n’a point l’esprit de corporation, et entre l’un et l’autre la différence est grande. Le Russe a un mode national d’association, l’artel, dont tous les membres ont des

  1. A cet égard, comme à plusieurs autres, certains des conseillers de Catherine recommandaient parfois de singuliers procédés, ou se berçaient d’étranges illusions. C’est ainsi que, d’après Nic. Tourguenef (la Russie et les Russes, II, p. 221), un des hommes les plus en vue de ce grand régne, Betskoy, qui eut une grande part à la fondation des gigantesques maisons d’enfants trouvés des deux capitales, se flattait par là de préparer la création d’un tiers état !