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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/336

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citadins demeurés au bas de l’échelle sociale, des bourgeois parvenus aux degrés supérieurs. Ces derniers sont d’ordinaire désignés sous la rubrique de marchands, kouptsy. Ce titre n’est légalement reconnu qu’aux négociants en possession d’un certain capital ou payant certains droits de patente. Les marchands, longtemps dotés de privilèges importants, n’ont pu constituer une classe fermée ; le mechtchanine, le paysan, le noble même qui se livre au commerce, est maître de se faire inscrire parmi eux : c’est une question de fortune et d’impôt. Ces kouptsy sont subdivisés en plusieurs catégories qui conservent le nom étranger de guildes, introduit par Pierre le Grand. Longtemps les trois guildes ont été pourvues de prérogatives fort différentes ; aujourd’hui, elles sont en possession de droits civils identiques. La distinction entre les guildes repose uniquement sur le chiffre du capital déclaré par les marchands ou sur la patente qu’ils payent à l’État. Les membres de la première ont le privilège du libre commerce dans toute l’étendue de l’empire ainsi qu’à l’étranger ; les membres de la seconde doivent se borner au négoce intérieur. Ces guildes, comme les autres fractions de la population urbaine, ont dans chaque ville leurs assemblées et leurs chefs ou syndics élus. Les marchands, du reste, s’élèvent ou descendent d’une guilde à l’autre, selon que s’enfle ou décroît leur fortune, et les mauvaises affaires les exposent à retomber dans la classe inférieure des mechtchanes.

Les membres des deux premières guildes font ou plutôt faisaient partie des classes privilégiées. Les empereurs leur avaient accordé tous les droits personnels de la noblesse : exemption de la capitation, exemption de la conscription militaire, exemption des verges et des peines corporelles. Dans un pays comme la Russie, on ne pouvait faire plus pour l’encouragement du commerce et de la bourgeoisie. Les marchands étaient libres de s’enrichir, libres de jouir de leurs richesses ; une seule chose leur était refusée, et cette restriction même imposée aux négociants pouvait,