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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/376

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service du tsar ; mais les services des aïeux cessaient d’être portés en compte. Au lieu que la noblesse ou la naissance donnât droit aux emplois, ce furent les emplois qui donnèrent et conservèrent le litre de noble. Tout dvorianine fut strictement astreint au service militaire ou civil. Le dvorianstvo russe redevint ainsi strictement la classe des serviteurs de l’État, et, au mépris des titres héréditaires de quelques familles, il n’y eut plus dans son sein d’autre classement, d’autre ordre de préséance que les préséances du service.

Pierre le Grand abolit le vieux nom de boyar, qui rappelait d’antiques prétentions. À la barbare et fastueuse hiérarchie moscovite, il substitua le tableau des rangs (tabel o rangakh), qui dans ses quatorze classes comprend encore aujourd’hui tout le monde officiel russe. Les fonctions civiles, les dignités ecclésiastiques mêmes, y sont assimilées aux grades de l’armée, et, depuis l’enseigne et l’enregistrateur de collège, qui occupent le plus bas degré de l’échelle, jusqu’au feld-maréchal et au chancelier, qui siègent seuls à l’échelon supérieur, tous les serviteurs de l’État y sont distribués en étages, chacun suivant son tchine, en une double série parallèle, sur quatorze rangs ou gradins numérotés. Ce n’est point dans les ténèbres du moyen âge, sous le joug tatare, c’est au dix-huitième siècle, sous la main du grand réformateur moderne, qu’a été établie cette institution du tchine dont le nom a un faux air chinois, et dont l’ordonnance peut être comparée au mandarinat avec sa classification de boutons de différentes couleurs. C’est à l’Europe, à l’Allemagne surtout, que Pierre le Grand a emprunté la plupart de ces titres aujourd’hui bizarres et vides de sens : conseiller honoraire, assesseur de collège, conseiller d’État, conseiller actuel, conseiller privé actuel, toutes dénominations étrangères qui, en Russie, n’ont jamais désigné une fonction réelle, et qui, aujourd’hui comme à l’origine, ne sont qu’une sorte de grade civil, souvent indépendant de tout emploi. Si les noms étaient