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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/517

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ces legs tend naturellement à croître avec la dissolution des grandes familles. Le plus souvent, dans ces testaments, le père ne fait que distribuer sa propriété entre ses enfants pour prévenir entre eux toute discussion à ce sujet. S’il y a des legs en dehors des héritiers directs, c’est d’ordinaire au profit de la veuve, parfois au profit d’une fille mariée ou d’un fils sorti de la maison, ou encore en faveur de neveux orphelins ou d’enfants recueillis par le mourant. La coutume, croyons-nous, ne permettrait nulle part au père de famille de dépouiller ses enfants de la maison où ils ont été élevés et de la totalité de leur héritage, au profit d’étrangers sans titre moral à la succession du défunt. Quelque grande et respectée que soit chez lui l’autorité paternelle, le moujik ne lui reconnaît point le droit illimité, ailleurs réclamé pour elle, sous le nom de liberté testamentaire.

Tout ce qui regarde le partage des biens dans la famille, comme tout ce qui touche au partage des terres dans la commune, est laissé par la loi à la tradition, à la coutume. Le règlement général de l’acte d’émancipation dit textuellement : « Les paysans sont autorisés, quant à l’ordre de succession dans les héritages, à suivre les usages locaux. » Par ce simple article de loi, la commune rurale est mise en dehors du droit civil, en dehors du droit écrit[1].

Une telle liberté est en harmonie avec la nature et les conditions d’autonomie du mir russe. Le droit privé des paysans donne cependant lieu à trop de contestations pour que, dans une époque de transition et de changement de mœurs comme l’époque actuelle, une telle latitude ne puisse prêter à des abus et à des injustices. Aussi, dans l’enquête agricole, des personnages éclairés, de tendances

    etnogr. statist. eksped. v zapadno-rousskii krai : iougo-zapadnyi otdèl), t. VI, 1872, p. 56 et 309) cite plusieurs exemples analogues pour la Petite-Russie.

  1. Première partie du Règlement général, ch. ii, art. 38. Voy. t. II, liv. IV, chap. ii). Une loi de l’empereur Alexandre III a, en 1886, réglementé les partages de familles, mais cette loi est d’habitude restée lettre morte.