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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/88

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et son unique fenêtre, les maisons de bois des paysans de la Finlande sont plus vastes et plus commodes que les izbas de beaucoup de moujiks russes. Sur une terre plus ingrate, dont le sol de granit suffit rarement à leur nourriture, ils sont plus travailleurs et plus économes. Ils se sont fait une juste réputation de probité et d’honnêteté. Il est seulement difficile de décider si cette supériorité morale des Finnois occidentaux doit être attribuée à la différence de race, ou à la différence de religion, ou simplement à un plus ancien et plus large usage de la liberté. Toujours est-il que, au milieu des paysans finlandais, au menton rasé, aux vêtements courts, le voyageur européen se sent souvent moins étranger que parmi les paysans russes, qui lui sont plus parents par le sang.

Le Finnois de Finlande a été favorisé par l’histoire ; la longue et douce domination de la Suède l’a initié à la civilisation occidentale et à la liberté civile[1]. Au point de vue politique, le Finlandais, rentré sous l’empereur Alexandre II en possession de son archaïque constitution et de sa diète aux quatre ordres[2], est le plus avancé des peuples de l’empire. Son voisin et frère, de religion comme de race, l’Esthonien, demeuré jusqu’au commencement du siècle serf du seigneur allemand, a été plus malheureux ; lui aussi n’en a pas moins, aujourd’hui, à Revel et à Dorpat, sa presse indigène et sa littérature nationale ; lui aussi ne s’en montre pas moins, par certaines qualités, au-dessus du moujik russe. Plus travailleur et plus patient, il a été appelé avec profit sur les domaines de plusieurs proprié-

  1. On sait que le grand-duché de Finlande est moins une province russe qu’un État annexe de l’empire des tsars, qui ont eu la sagesse de respecter son autonomie. La Finlande a conservé ses lois et ses institutions. À certains égards, les Finnois finlandais ont eu profit à passer sous le sceptre des monarques russes. Ceux-ci ont été amenés à relever la langue finnoise, autrefois reléguée dans les campagnes ; ils lui ont donné le rang de langue officielle à côté du suédois, qui reste encore la langue d’une partie du littoral, des principales villes et des hautes classes. Voyez ci-dessous, p. 129.
  2. Noblesse, clergé, bourgeois des villes, paysans, comme dans l’ancienne constitution suédoise.