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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 1, Hachette, 1890.djvu/97

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service ; à défaut du fanatisme ou du patriotisme, l’appât du gain était suffisant pour que personne ne désertât son rang dans ces expéditions, dont le principal but était le pillage. Un khan de Crimée pouvait réunir 100 000 guerriers sans avoir un million de sujets. Dans le centre de la Russie, les Tatars n’ont guère pénétré qu’à main armée sans jamais s’y établir. Ainsi la Moscovie resta vis-à-vis d’eux (au point de vue de la population) dans une situation analogue à celle où demeurèrent longtemps la Serbie, la Hongrie, la Roumanie et la Grèce vis-à-vis des Turcs, qui dans toutes ces contrées n’eurent jamais que de rares colonies. Veut-on comprendre l’influence de l’élément tatar sur les Russes, ce sont les Grecs et les Slaves de Turquie qu’il faut regarder ; de même que, pour se rendre compte de l’avenir des Ottomans en Europe, s’ils viennent à perdre leurs dernières possessions européennes, c’est sur les Turcs de Russie qu’il faut jeter les yeux. Rarement il y eut deux situations aussi identiques que celle des Russes sous le joug tatar et celle des Slaves du Sud sous le joug turc. Dans les deux cas, on voit en présence les mêmes races, dans les deux cas, les mêmes religions, en sorte que, les acteurs étant presque les mêmes sous différents noms, il n’y a que la scène de changée. Au milieu de toutes ces analogies, le Russe a eu un grand avantage sur le Bulgare ou le Serbe ; il a été le vassal et le tributaire, jamais le sujet direct des Turcs. Aussi est-il permis de croire qu’il n’y a pas eu plus de mélange des deux races sur les bords du Volga que sur ceux du Danube. S’il y en eut par les mariages, par l’esclavage, par le rapt et la polygamie, s’il y en eut par les conversions sincères ou contraintes, ce fut peut-être plutôt aux dépens des Slaves, du temps de leur sujétion ; par tous ces canaux, le sang chrétien s’introduisit plus facilement dans les veines du musulman que le sang de ce dernier dans les veines du chrétien.

On a souvent remarqué combien, de tout temps, ont été