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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/167

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réclame. Cette doctrine sur la pénitence se lie à celle sur les bonnes œuvres ; elle fait rejeter à l’orthodoxie orientale toute l’économie des indulgences latines, tout ce que les Russes appellent ironiquement les comptes en partie double et la banque spirituelle de l’Église romaine[1].

Si l’oreille de l’étranger ne peut juger par elle-même de la confession orthodoxe, ses yeux lui en peuvent apprendre quelque chose. Il n’a pour cela qu’à se rendre dans une Église, au commencement ou à la fin du grand carême. Dans les pays orthodoxes il n’y a point de confessionnaux ; rien, dans les temples catholiques de Kief ou de Vilna n’intrigue davantage le paysan russe. La présence ou l’absence de ces monuments spéciaux, de ces petites guérites (boudki), comme les appelait naïvement un moujik, est déjà un signe du plus ou moins d’importance de la confession dans les deux Églises. Il n’y a, d’ordinaire, en Russie, ni siège pour le prêtre, ni prie-Dieu pour le pénitent : tous deux se tiennent dans l’église, debout en face l’un de l’autre, derrière une grille ou un paravent qui les sépare de la foule sans les enlever aux regards. Parfois même cette mince barrière est supprimée : le prêtre reçoit la confession au pied d’un mur ou d’un pilier de la nef, sans que rien l’isole du commun des fidèles. À côté de lui est un pupitre avec une croix et un évangile, sur lequel le pénitent pose deux doigts de la main, comme pour jurer de dire la vérité. En certains jours du carême, on voit, dans les paroisses des villes, se dérouler de longues files de fidèles de tout sexe et de toute classe, parfois des milliers de personnes, faisant queue les unes derrière les autres, toutes

  1. C’est ainsi que le slavophile Khomiakof montrait à ses compatriotes l’Église de Rome « établissant entre l’homme et Dieu une balance de devoirs et de mérites ; mesurant les péchés et les prières, les fautes et les actes d’expiation ; faisant des reports d’un homme sur un autre ; introduisant enfin dans le sanctuaire de la foi tout le mécanisme d’une maison de banque ». L’Église latine et le protestantisme. — Le clergé n’ayant pas, selon l’expression du même Khomiakof, « de fonds de réserve de la grâce à distribuer », il se trouve, par là encore, privé d’un des moyens d’influence du clergé catholique.