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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/170

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pratique du sacrement de la pénitence n’en semble pas moins être restée plus primitive et plus discrète en Orient qu’en Occident. La confession y est plus flexible, moins strictement réglementée ; elle se rétrécit ou s’élargit selon les habitudes ou selon les besoins des âmes. À ce mystérieux tribunal, comme en toute chose, l’Église gréco-russe serre le cœur et l’esprit de ses enfants de moins près que l’Église romaine. La direction, cette institution catholique si chère au xviie siècle, est peu connue de l’Orient. La généralité même des aveux de la confession en diminue l’attrait et, par suite, la fréquence ; le prêtre a moins de prise sur les âmes : le sacrement qui lui assure le plus d’empire, chez les Latins, lui donne peu d’influence chez les Grecs.

Il y a dans les usages mêmes de l’Église orthodoxe, de l’Église russe en particulier, plusieurs raisons pour que la confession soit moins exigeante qu’en Occident. L’une est le mariage des prêtres. L’exemple de l’Orient prouve que la confession n’exige pas le célibat du confesseur. Rome même le reconnaît en admettant le mariage du clergé chez les Grecs-unis, les Arméniens, les Maronites. Il n’en est pas moins vrai que l’homme attaché à une femme inspire moins de confiance ou, pour mieux dire, moins d’abandon. Plus exposé au soupçon d’indiscrétion, le prêtre marié sera lui-même plus discret avec le pénitent.

En Russie, la loi punit la violation du secret sacramentel. Si l’on y entend plus d’histoires de ce genre qu’en Occident, elles y sont cependant fort rares et, le plus souvent, sujettes à caution. En voici une. Une jeune fille devenue secrètement mère avait étouffé son enfant. Le carême l’ayant, avec tout le village, amenée devant le pope, elle confesse humblement son crime, et l’absolution la délivre de ses remords. À quelques semaines de là, dans une réunion de femmes, un jour de fête, elle se trouve par hasard près de l’épouse du prêtre. Au contact de la jeune fille, la popesse laisse échapper un cri d’horreur et manifeste si clairement sa répulsion, que, d’explication en explication,