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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/184

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métropolites de toutes les Russies[1], ce dualisme dura jusque vers la fin du dix-septième siècle. Pour ramener l’unité dans la hiérarchie, il fallut la réunion de la Petite à la Grande-Russie. Les deux métropoles, soumises à des influences diverses, se montrèrent animées d’un esprit différent. Kief, orgueilleuse de sa culture, dédaignait la grossièreté de Moscou, lui reprochant son ignorance et son formalisme ; Moscou, fîère de son indépendance, suspectait l’orthodoxie de Kief. En contact avec les Latins et en lutte avec l’Union, la métropole occidentale subissait l’ascendant des idées européennes, tout en faisant tête à la propagande catholique. À Kief se rattachent plusieurs des grandes figures de l’Église russe, au premier rang le métropolite Pierre Moghila. D’origine moldave, bien que sans doute de sang slave, Moghila est un des grands évêques de l’orthodoxie, pour ne pas dire de la chrétienté. Il avait étudié à Paris : l’Orient doit à cet élève de la Sorbonne la fameuse confession orthodoxe, acceptée comme règle de foi par ses patriarches. Sujet de la Pologne, Moghila a mérité d’être regardé comme un des précurseurs de Pierre le Grand. Il lui avait, à un demi-siècle de distance, préparé des auxiliaires dans son Académie de Kief[2]. Grâce à lui, lorsque la métropolie kiévienne fut réunie au patriarcat de Moscou, dans l’Église russe, reconstituée en son unité, le premier rôle appartint aux Petits-Russiens, aux enfants de la métropolie supprimée.

L’élévation de l’autocratie, au sortir du joug tatar, devait diminuer la position de l’Église : l’extinction de la maison souveraine lui redonna, pour un temps, une puissance nouvelle. À travers ses fureurs bizarres, Ivan le Terrible avait abaissé le clergé aussi bien que les boyars. Le métropolite Philippe avait payé de son siège, et peut-être

  1. Ivan Kalita, qui pril, le premier ; le titre de grand-prince de toutes les Russies, ne fit peut-être en cela, selon l’historien Bestoujef Rioumine, qu’imiter les métropolites.
  2. Voyez Mgr Macaire ; Istorita Rousskoî Tserkvi, t. XI, 2e partie.