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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/205

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Quel que soit le pouvoir du tsar sur l’Église, ce pouvoir est extérieur à l’Église. L’empereur est plutôt le maître de la hiérarchie que le chef de la hiérarchie.

Écoutons ce que disent les Russes, ce qu’enseigne leur Église. Elle ne veut voir dans le tsar qu’un protecteur, un défenseur, qualités que les traditions chrétiennes attribuent à tout monarque chrétien. Si parfois l’empereur reçoit dans la législation le titre de chef de l’Église, il ne s’agit que de l’administration des affaires ecclésiastiques. Vis-à-vis du dogme, le souverain n’a pas plus d’avis à donner que le dernier des fidèles. À cet égard, les empereurs de Russie n’ont jamais glissé sur la pente où s’est laissé entraîner plus d’un des premiers empereurs chrétiens. Seul peut-être, Ivan le Terrible s’est piqué de théologie, et sa théologie ne lui servait guère qu’à enlacer ses ennemis dans de captieuses questions. Le dogme reste en dehors et au-dessus des délibérations du Saint-Synode : les questions de discipline lui sont même d’ordinaire étrangères ; viennent-elles devant lui, c’est comme devant une commission d’étude, la décision suprême restant aux conciles et au corps de l’Église. Dans ce cas, la confirmation impériale n’est guère qu’une sorte d’exequatur ou de placet, comme en Occident s’en est si longtemps réservé le pouvoir civil. L’administration de l’Église, voilà la sphère où se renferme l’intervention de l’État ; là même, son autorité est contenue par la tradition, par les canons des conciles, et aussi par le caractère œcuménique de l’Église, par l’exemple des autres peuples orthodoxes avec lesquels l’empire tient à rester en communion.

En Russie, comme en Occident, le droit de nomination aux dignités ecclésiastiques est la principale des prérogatives du trône vis-à-vis de l’autel ; encore, celle prérogative est-elle partagée entre le Saint-Synode et le tsar. L’intervention de la puissance civile dans la distribution des bénéfices s’explique aisément, au point de vue du droit du peuple comme au point de vue du droit divin. Dans le