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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/227

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clergé, et les affaires de mariage ou de divorce. Ce droit de justice que presque seule, dans le monde chrétien, elle a conservé jusqu’à nos jours, l’Église russe ne voudrait pas s’en dessaisir. Les attributions de ses tribunaux, déjà réduites par Pierre le Grand, devaient être encore diminuées. Il avait été question de leur enlever les causes de divorce, pour ne réserver à l’évêque que la confirmation de la sentence rendue par les tribunaux ordinaires. Cette délicate réforme a été ajournée. Le gouvernement s’est arrêté devant les répugnances de l’Église et les objections du Saint-Synode, montrant par là, une fois de plus, que le domaine ecclésiastique est celui où le pouvoir se sent le moins libres[1].

La justice consistoriale est cependant une des parties les plus défectueuses de l’administration ecclésiastique. Avec l’ancienne procédure se retrouvent, dans les tribunaux diocésains, les vices des anciens tribunaux russes, l’extrême lenteur, le formalisme, la vénalité même. Ces défauts apparaissent surtout dans les affaires de mariage et de divorce, pour lesquelles la société civile relève encore de l’Église et de ses consistoires. Malgré les efforts du clergé et la sévérité de la plupart des évêques, le rouble n’a pas toujours perdu son empire séculaire dans les bureaux laïques des consistoires orthodoxes. — « Je sais par expérience, me disait, à Pétersbourg, une femme du monde divorcée et remariée, ce qu’il en coûte pour préparer le dossier d’une demande de divorce ; je sais la couleur des billets de banque qu’il est sage de laisser sur la table des différents employés. » Et de fait, le divorce légal n’est guère accessible qu’aux hautes classes. C’est ce qui explique le nombre relativement minime des mariages cassés par les consistoires diocésains[2]. Les paysans, qui, à bien des

  1. Sur l’organisation des tribunaux ecclésiastiques et sur les réformes projetées, voy. t. II, liv. IV, chap. ii, p. 320-327 (2e éd.).
  2. Pour l’année 1880, par exemple, les rapports du haut procureur du Saint-Synode annonçaient 920 divorces ou annulations de mariage, ainsi motivés :