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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/233

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renouvellement national ; si elle n’y a pas coopéré davantage, si bien des projets sont restés stériles, bien des mesures mal exécutées, la faute n’en est pas toujours à l’État, elle est parfois aux sourdes résistances ou aux répugnances de l’Église. Cette Église, en apparence si dépendante, si docile, a, vis-à-vis du pouvoir, plus de moyens de défense qu’il ne le semble ; quand elle n’en a point d’autre, il lui reste la force d’inertie. Dans la société ecclésiastique plus qu’ailleurs, la routine, les traditions, l’esprit de corps font obstacle aux innovations. Le pouvoir ne peut guère agir sur l’Église que par l’Église, par la hiérarchie. Au lieu d’être entravées par l’immixtion de l’État, les réformes ecclésiastiques peuvent aussi l’être par la timidité, par l’incurie ou la faiblesse du pouvoir. Le gouvernement n’aime point à provoquer le déplaisir du Saint-Synode ou le mécontentement du clergé ; il redoute surtout de blesser l’ignorante piété du peuple. C’est ainsi qu’a été ajournée plus d’une réforme, comme l’émancipation des raskolniks, la sécularisation de la justice ou des registres de l’état civil, l’adoption du calendrier grégorien, la suppression de la censure spirituelle. En pareille matière, nous ne saurions trop le répéter, l’autocratie n’est pas omnipotente : les mœurs sont plus fortes que l’autocrate. L’empereur a, si l’on veut, le gouvernement de l’Église ; il ne peut l’exercer qu’en en respectant les traditions, et parfois les préventions.