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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/24

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buer à une parenté des deux races et à la pureté du sang russe[1].

Le nihilisme mystique de certains contemporains (nous ne parlons pas ici du nihilisme révolutionnaire, assez improprement dénommé) a beau présenter certains points de contact avec le vieux bouddhisme des bords du Gange, il y a entre l’esprit russe et l’esprit hindou, l’un essentiellement réaliste, l’autre essentiellement métaphysique, non moins de contrastes que de similitudes. À tout prendre, ils ne diffèrent guère moins que les épaisses jungles du Deccan et les pâles forêts du Nord. L’un tient du soleil des tropiques et l’autre des neiges du cercle polaire. Si notre œil perçoit entre eux de secrètes affinités, cela prouve une fois de plus que les extrêmes se touchent ; cela montre que la nature sait, dans les régions les plus dissemblables et par des moyens opposés, aboutir parfois aux mêmes effets ; que l’homme peut, sous les cieux les plus divers, éprouver à son insu les mêmes sentiments. Encore, en pareil cas, la part de l’histoire et de l’état de culture, la part du régime social, politique ou religieux, est-elle peut-être plus grande que celle de la nature.

Quant à conclure de pareilles similitudes de tempérament a une étroite parenté de race ; quant à en faire honneur à la pureté du sang aryen des Russes, regardés comme la lignée directe des Aryas, toutes les données de l’ethnographie protestent contre ce système. S’il est injuste de refuser aux Russes le titre d’Aryens, il est hors de doute que le Slave moderne, que le Russe en particulier, fortement croisé d’éléments fînno-turcs, est par le sang un des moins aryens des peuples indo-européens[2]. La ressemblance du vieux slavon avec le sanscrit ne saurait, à cet égard, rien prouver. Les Lithuaniens du Niémen seraient, à ce compte, en droit de faire valoir des titres supérieurs. Les plus éloignés du

  1. Voyez, p. ex., le beau livre de M. E. M. de Vogüé de Roman Russe, chap. 1er.
  2. Voyez t. I, liv. II, chap. ii.