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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/486

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mystique appel au libertinage, les auditeurs s’inclinaient et se signaient avec dévotion devant leur prophétesse. Ailleurs, ces formes arcanes étaient laissées de côté ; le fond licencieux se montrait presque à nu. Dans leurs offices, les sauteurs ou khlysty du gouvernement de Smolensk se dépouillaient de tout vêtement, ce qui leur avait fait donner le sobriquet de cupidons. Une coutume analogue avait peut-être valu aux survivants du cercle de Mme Tatarinof, découverts à Pétersbourg en 1849, le surnom populaire d’adamites, déjà porté par une secte des premiers siècles. Chez plusieurs de ces skakouny, le caractère mystique semblait s’être évanoui, les cantiques étaient devenus des chansons érotiques ; la secte se recrutait parmi les jeunes gens et les jeunes filles, entraînés par l’appel du plaisir.

Ces oppositions ou ces combinaisons d’ascétisme et de naturalisme ne sont pas les seules que nous offrent ces sectes d’illuminés. Aux rites licencieux quelques visionnaires ont joint ou substitué des cérémonies sanglantes. Comme la volupté et la génération, la souffrance et la mort ont pu prendre une place dans le culte. La génération et la mort, les deux extrémités des choses humaines, l’alpha et l’oméga de tout être vivant, sont les deux choses qui frappent le plus violemment l’imagination ; toutes deux prennent presque également, chez les peuples enfants, un aspect religieux. De tout temps, des forcenés se sont plu à les associer à l’ombre des temples. Il en était ainsi, dans l’antiquité, de plusieurs des cultes de l’Orient, de la Syrie notamment. Pourquoi la superstition ne les aurait-elle pas accouplées çà et là dans les izbas russes ? Pour les intelligences primitives, le sang a été partout le grand purificateur. À une époque même de haute culture, sous la Rome impériale, la sanglante aspersion du taurobole et du criobole était le dernier effort du paganisme expirant. Le sacrifice, l’holocauste vivant a été, chez tous les peuples, l’acte religieux par excellence. La grande originalité du christianisme a été de le supprimer pour le rem-