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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/639

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centre et de l’est de l’Europe serait d’en ramener une partie au labour de la terre. La question sémitique serait, par là, à demi résolue. Cetle transformation du Juif en cultivateur, tentée ailleurs par les Israélites eux-mêmes, le gouvernement russe Fa entreprise d’autorité, vers 1810 et 1840. Alexandre Ier, Nicolas surtout, ont fondé, sur plusieurs points, des colonies agricoles d’Israélites. La plupart n’ont guère prospéré. Il est vrai qu’on ne pouvait beaucoup attendre de colonies administratives étroitement réglementées, où l’agriculture était enseignée, à coups de fouet, par d’anciens sous-officiers.

L’interdiction de posséder des terres n’est pas le moyen d’amener les Israélites au travail des champs. La défense d’habiter les campagnes l’est encore moins. C’est pourtant ce que la Russie leur a plusieurs fois interdit, ce que le règlement « provisoire » édicté par Alexandre III en 1882 leur a, de nouveau, défendu. Depuis 1882 ils ne peuvent plus s’établir en dehors des villes et des bourgades. C’est là ce qu’ont imaginé les conseillers du tsar pour prévenir le retour des émeutes antisémitiques, comme si ce n’était pas des villes qu’était parti le signal de la chasse aux Juifs. Toutes ces mesures contre les Israélites sont à double tranchant : elles blessent le chrétien, qu’elles prétendent protéger, en même temps que le Juif, qu’elles veulent frapper. En mainte contrée, le prix de vente ou de loyer des terres en a été sensiblement abaissé, tandis que le crédit aux cultivateurs en était renchéri.

Si l’État cherche à fermer aux Juifs les campagnes et l’exploitation rurale, il doit s’efforcer de les retenir à la ville en leur ouvrant tous les métiers urbains et toutes les professions bourgeoises. Non point ; sur ce champ restreint leur activité se heurte encore à des lois d’exception, à des règlements ministériels, à des circulaires secrètes. Aux emplois de l’État, les Israélites n’ont guère à penser ; la loi les déclare incapables de toute fonction publique, sauf