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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/650

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Reste la grande, la suprême objection. « Nos Juifs de Russie, entend-on répéter à Pétersbourg ou à Moscou, ne méritent pas d’être traités en nationaux. Ils se considèrent eux-mêmes comme étrangers. Ils n’aiment pas la patrie russe. Ils ne connaissent d’autre patrie qu’Israël. — Mais quand la Russie, répliquent les Juifs, s’est-elle montrée pour nous une patrie ? et comment aimer un pays qui vous traite en ennemi ? »

Une des preuves du peu de patriotisme des Juifs, c’est, assure-t-on, leur répugnance pour le service militaire. L’impôt du sang est une obligation dont ils s’ingénient, de toute façon, à s’exempter. Aucun culte, aucune race ne présente autant de réfractaires. En vérité, c’est le contraire qui nous étonnerait. Voilà des hommes privés de la plupart des droits de leurs compatriotes chrétiens, et l’on voudrait qu’ils apportassent la même abnégation à l’accomplissement du plus pénible des devoirs du citoyen ! C’est demander plus que ne comporte la nature humaine. Imaginez, ce que rêvent quelques Israélites d’Orient, un État juif, un nouveau Juda gouverné par des Juifs avec des lois juives. Croyez-vous que, si cet Israël ressuscité traitait les chrétiens comme la Russie orthodoxe traite les Juifs, les chrétiens, sujets d’Israël, se jugeraient tenus, en conscience, de servir sous les étendards des successeurs de David ? Chrétien, Juif ou Musulman, pour se sentir astreint à tous les devoirs du citoyen, il faut en posséder tous les droits. Veut-on exiger des Juifs autant que des Russes, qu’on commence par les traiter en Russes.

Il n’était, récemment encore, aucune ruse dont un Juif polonais ne fût capable pour échapper à la conscription. Il faut dire que, pour les Israélites talmudistes, stricts observateurs de la loi, la vie militaire est particulièrement dure. Il est malaisé, au camp ou à la caserne, de demeurer fidèle aux minutieuses prescriptions de la loi mosaïque. L’antipathie du Juif russe pour le service a été encore accrue par les souvenirs que lui a laissés le système des