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Page:Anatole Leroy-Beaulieu - Empire des Tsars, tome 3, Hachette, 1889.djvu/76

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à multiplier les points de dissidence, à les grossir ou à les mettre en relief. Les différences les moins importantes dans les formules dogmatiques, dans les rites, dans la discipline, furent relevées avec soin par les Grecs pour constituer, en face de Rome, une doctrine nationale, et permettre de répondre au reproche de schisme des Occidentaux par l’accusation d’hérésie[1]. Et ce qu’ont fait autrefois les Grecs du Bas-Empire, les Russes, en cela imitateurs des Byzantins, l’ont fait souvent à leur tour. C’est ainsi que Rome et Constantinople qui, malgré les anathèmes intermittents des papes et des patriarches, étaient encore en communion au onzième siècle et même au commencement du douzième[2], ont fini par former non seulement deux Églises, mais deux confessions, deux cultes distincts.

C’est ainsi qu’à cette vieille querelle sur la procession du Saint-Esprit s’en est jointe une autre moins ancienne sur le purgatoire. Ici encore le différend provenait en grande partie de ce que, chez les Grecs, le dogme était moins défini. Les Orientaux, de même que les Latins, ont toujours prié pour les morts ; mais leurs théologiens n’ont pas précisé l’état des âmes avant d’être admises à la béatitude. Non contents de rejeter tout le système des indulgences de l’Église romaine, ils se montrent scandalisés du feu spirituel des Latins, repoussant la purification par les flammes, refusant même aux âmes sorties de cette vie la faculté d’expier leurs fautes, ou n’admettant pour elles d’autre expiation que les prières des vivants et les saints mystères[3]. À cette double différence dogmatique

  1. Voyez par exemple Döllinger : Kirche und Kirchen, Papsthum und Kirchenstaat.
  2. Cette intercommunion, longtemps après Photius et même après Michel Cerullaire, explique l’union de princes et princesses russes de Kief avec des membres de l’Église latine, par exemple le mariage d’Anne, flile de Iaroslaf, avec notre roi Philippe Ier.
  3. Voyez notamment le Dr W. Gass : Symbolik der Griechischen Kirche (1872), p. 335-342.